Débatmilitant | ||||||||||
Lettre publiée par des militants de la LCR |
n°181
|
20 décembre 2007
|
||||||||
|
||||||||||
Sommaire : | ||||||||||
De la grève des cheminots à la nécessaire convergence des luttes pour les salaires | ||||||||||
|
||||||||||
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
De
la grève des cheminots à la
nécessaire convergence des luttes pour les salaires
L'épreuve
de force qui a opposé le mouvement cheminot au gouvernement a contraint
celui-ci à négocier des contreparties bien faibles qui n'effacent
pas le fait que les directions des confédérations syndicales ont
laissé l'avantage politique à Sarkozy. Ceci dit, le gouvernement
n'est pas tiré d'affaire pour autant : scandale du logement, scandale
du pouvoir d'achat
, le mécontentement sourd de partout.
La question des salaires se fait brûlante. Après la grève
de la fonction publique le 20 novembre dernier, les syndicats annoncent aujourd'hui
une prochaine journée d'action le 24 janvier, suivis par ceux de l'éducation
nationale. Les grèves sur les salaires se multiplient dans le privé.
C'est que le bluff de Sarkozy sur le pouvoir d'achat ne peut duper plus longtemps
: sa traduction pratique dans le cynisme des propositions d'E.Woerth contribue
à en dissiper les illusions. L'esbroufe n'a qu'un temps. Il se peut que
les salariés de la fonction publique remettent le couvert, et il se pourrait
aussi que d'autres se décident à passer à table.
Alors que pour de nombreux cheminots se révèle la duperie de "négociations"
entamées maintenant depuis plusieurs semaines sans qu'aucun des volets
de la réforme -qu'il s'agisse des 40 annuités, de la décote
ou de l'indexation des pensions- n'ait été modifié, le
climat se tend et les débats s'avivent. Pour tous les grévistes
d'octobre-novembre qui, au moment du conflit, avaient éprouvé
le sentiment de leur force, il devient clair que les négociations ne
donneront rien, que les "délégués" au tapis vert
sont impuissants. Le désaveu des faux-semblants de la direction de la
CGT qui s'est manifesté dans le refus de la journée d'action du
13 décembre, pose la question de la perspective d'un tous ensemble. Les
grèves d'octobre-novembre portent et cristallisent, sans qu'elles soient
pour autant résolues, tous les éléments permettant que
s'inverse le rapport de force en faveur des travailleurs et de la jeunesse,
et toutes les tâches auxquelles sont confrontés les révolutionnaires
dans la période présente : la convergence des luttes de tous les
secteurs du monde du travail, l'auto-organisation de sa force, la naissance
de son parti.
La question est posée, y trouver une réponse est un vaste travail
militant, pratique et concret.
Du
contrôle des grèves
Cible toute désignée pour faire plier la classe ouvrière
en son secteur le plus combatif et ouvrir ainsi plus facilement la voie aux
contre-réformes du gouvernement, les cheminots n'en répondirent
pas moins par une démonstration de force historique, une grève
d'ampleur dont les directions des confédérations syndicales ne
voulaient pas. A nouveau, l'école de la rue a joué le rôle
d'une décantation politique concentrée.
En présence de l'immobilisme révélé des confédérations
et de leur servilité face au pouvoir et ses exigences, comme en septembre
dernier pour le service minimum, le mouvement cheminot a su toutefois imposer
sa volonté aux directions syndicales. Et d'abord le refus de la stratégie
de négociation en portant l'exigence de la lutte sur le terrain de classe,
la grève ; la réaffirmation des 37,5 annuités pour tous,
public-privé, que les AG grévistes ont partout imposée
aux organisations ; mais aussi la recherche du tous ensemble imposant la convergence
des luttes le 18 octobre puis le 20 novembre.
"La base se rebiffe", titrait le quotidien Libération,
résumant ainsi l'écho qui se faisait partout dans la presse de
la défiance des assemblées générales grévistes
à l'égard des confédérations syndicales.
Ainsi, le rôle des directions syndicales s'est révélé,
pour de larges secteurs du monde du travail, à travers une démonstration
pratique et vivante, qui, sans se traduire par un sentiment d'abattement, a
fait surgir des prémisses d'une direction alternative aux directions
syndicales : comme ce fut le cas lorsque, dans plusieurs endroits, les salariés
surent imposer des AG par site d'établissement contre toutes les organisations
bien décidées, elles, à maintenir leur pression sur les
AG de secteurs qu'elles contrôlent plus facilement ; ou lorsqu'à
la RATP, notamment, on a assisté aux premières tentatives de fédération
et de centralisation de plusieurs comités de grève.
Partout, et à chaque étape de leur lutte, les cheminots se sont
trouvés confrontés aux tâches du nécessaire contrôle
à exercer sur les directions syndicales. Et ce fut bien dans de nombreux
cas le rôle que prirent les AG, celui d'un organe de contrôle des
directions, régime de transition en quelque sorte où les organisations
syndicales ne peuvent plus faire ce qu'elles veulent mais où les grévistes
ne sont pas encore acquis à la nécessité de se donner les
moyens de diriger eux-mêmes leur lutte.
à la gestion de nos luttes
C'est en somme toute la question et toute la bataille de l'auto organisation
qui s'est posée tout au long de la grève qu'il s'agit pour nous
à présent de discuter. De quelles perspectives nous armer et armer
le monde du travail dans sa volonté de s'affranchir de la force d'inertie
des appareils syndicaux ? Comment passer d'une AG aux fonctions d'organe
de contrôle à l'auto administration de la grève par les
grévistes ?
Les expériences de cet automne -qu'il s'agisse d'AG décisionnelles
à la SNCF, ou parfois de comités de grève à la RATP
(au dépôt de Montrouge notamment)- nous offrent un aperçu,
certes partiel, mais non moins significatif, de la façon dont fut éprouvé
le besoin pour les travailleurs en lutte de substituer leur propre représentation
à celle des appareils syndicaux ; la perspective plus ou moins affichée,
plus ou moins ressentie par tous les grévistes, d'assumer dorénavant
la maîtrise pleine et entière de leur lutte, de ne la céder
à personne, et, pour se faire, d'en assurer démocratiquement la
direction.
L'enjeu, pour les travailleurs en lutte, est de se doter de structures adéquates
à cet objectif : celui de forger l'organe démocratique de
la lutte où la gestion de la grève appartient aux grévistes,
tous les grévistes ; où son administration quotidienne est systématiquement
débattue et décidée en un organe unique, de discussion
et d'exécution, ayant seule autorité à s'exprimer en leur
nom. Voilà le rôle politique qu'assumerait le comité de
grève dans la mobilisation des salariés.
Parce qu'il les dépossède de leurs prérogatives de direction
légitime, parce qu'il permet de conjurer les dissensions entre grévistes
qu'entraînent inévitablement les rivalités syndicales, le
comité de grève, en tant que direction démocratique de
la lutte par tous ceux qui luttent, se heurte à chaque instant, dans
le chemin qu'il se fraye jusqu'à la reconnaissance de sa seule autorité,
aux poids et aux pressions des organisations syndicales, aux logiques de tous
les appareils.
Les manifestations de cette bataille pour l'auto organisation des luttes des
travailleurs dans la grève des cheminots, bien qu'encore timides et désordonnées,
indiquent toutefois la nature des transformations fondamentales qui s'opèrent
dans le développement de la conscience collective des travailleurs.
Il est d'ores et déjà clair que la grève des cheminots
d'octobre novembre pourrait bientôt trouver son prolongement dans la lutte
pour les salaires. Et, par delà le cloisonnement et la division du monde
du travail, c'est la question même du pouvoir d'achat qui agit en la faveur
de l'unification de ses rangs, de la convergence des luttes. Cette convergence
a besoin, pour se réaliser, de l'intervention des travailleurs eux-mêmes,
elle ne pourra changer le rapport de force que sous leur direction démocratique.
Julien G.